
L’euro numérique, projet phare de la Banque centrale européenne (BCE), entre dans sa phase finale de préparation avec une possible introduction dès octobre 2025. Cette monnaie digitale, conçue comme une version électronique de l’euro, vise à moderniser les paiements en Europe tout en renforçant la souveraineté monétaire du continent. Pourtant, malgré ses promesses, l’adhésion des citoyens européens reste incertaine, entre méfiance, préoccupations sur la vie privée et risques pour le système bancaire traditionnel.
L’euro numérique : un projet stratégique pour l’Europe
Une monnaie digitale émise par la BCE
L’euro numérique est une monnaie centrale digitale (CBDC) destinée à être utilisée par le grand public, directement émise par la BCE. Elle fonctionnerait comme une forme électronique de l’argent liquide, accessible via des portefeuilles numériques sécurisés. L’objectif est de proposer un moyen de paiement universel, sûr et rapide, qui compléterait les espèces et les moyens de paiement électroniques existants.
Un enjeu de souveraineté monétaire
La BCE souhaite par ce projet réduire la dépendance européenne aux systèmes de paiement étrangers, notamment américains, dominés par des géants comme Visa ou Mastercard. En proposant une alternative européenne, la BCE entend renforcer l’autonomie stratégique du continent dans un contexte géopolitique marqué par la fragmentation et les tensions internationales.
Adoption et réticences des citoyens européens
Une méfiance persistante
Selon une étude récente de mars 2025, 58 % des Européens se déclarent « peu ou pas enclins » à utiliser l’euro numérique pour leurs paiements quotidiens. Cette défiance s’explique par des inquiétudes sur la vie privée, la surveillance potentielle des transactions et la crainte d’une perte de contrôle sur leurs finances personnelles.
Le rôle du cash dans les habitudes de paiement
Malgré la montée en puissance des paiements numériques, le cash reste très utilisé, notamment en Espagne où plus de la moitié des transactions s’effectuent encore en espèces. Cet attachement au liquide souligne l’importance de maintenir une offre diversifiée pour répondre aux besoins de tous les citoyens, y compris les plus vulnérables ou ceux vivant dans des zones à faible connectivité.
Risques pour la stabilité financière et le secteur bancaire
Limitation des avoirs en euro numérique
Pour éviter une fuite massive des dépôts bancaires vers l’euro numérique, qui pourrait fragiliser les banques commerciales, la BCE envisage de plafonner les avoirs individuels à environ 3 000 euros. Cette mesure vise à préserver la stabilité du système financier tout en permettant une adoption graduelle du nouveau moyen de paiement.
Inquiétudes des banques et experts
Les banques craignent que l’euro numérique ne leur fasse perdre des dépôts essentiels, ce qui pourrait réduire leur capacité de prêt. Certains chercheurs estiment que ce plafond reflète une influence excessive du secteur bancaire dans la conception du projet, limitant ainsi le potentiel de l’euro numérique comme véritable monnaie publique alternative.
Défis techniques et incidents récents
Pannes et vulnérabilités
Un incident majeur survenu début 2025 a vu une panne du système de paiement de la BCE affecter des milliers de foyers et commerçants, ce qui a ébranlé la confiance dans la capacité de la banque centrale à gérer une infrastructure numérique critique. Par ailleurs, une panne électrique en Espagne et au Portugal a mis en lumière la fragilité des systèmes de paiement purement numériques, soulignant la nécessité de conserver le cash comme solution de secours.
Réactions politiques et institutionnelles
Plusieurs députés européens, notamment Markus Ferber (PPE), ont critiqué la BCE pour cette panne, estimant que sa crédibilité est mise à mal. Des voix comme Rasmus Andresen (Verts) appellent la BCE à regagner la confiance du public avant de généraliser l’usage de l’euro numérique.
Avantages attendus et garanties proposées
Sécurité et transparence
La BCE promet que l’euro numérique offrira un cadre sécurisé, avec une meilleure traçabilité des transactions permettant de lutter contre la fraude et les risques systémiques, tout en respectant la vie privée grâce à des technologies avancées de confidentialité.
Complémentarité avec les moyens de paiement existants
L’euro numérique ne vise pas à remplacer le cash ni les autres moyens de paiement, mais à les compléter. Il devrait faciliter les transactions, notamment dans un monde de plus en plus digitalisé, et garantir l’inclusion financière des populations non bancarisées ou mal desservies.
Distribution via les banques et intermédiaires
Pour préserver l’écosystème bancaire, la BCE prévoit de distribuer l’euro numérique par l’intermédiaire des banques et prestataires de services de paiement, qui seraient rémunérés pour leur rôle d’intermédiaires. Cette approche vise à maintenir un équilibre entre innovation et stabilité financière.
Un équilibre délicat à trouver
L’euro numérique est un projet ambitieux qui pourrait transformer en profondeur le paysage des paiements en Europe. Il représente une opportunité stratégique pour affirmer la souveraineté monétaire européenne et moderniser les échanges financiers. Cependant, son succès dépendra largement de la capacité de la BCE à convaincre les citoyens de sa fiabilité, à garantir la protection des données personnelles et à préserver la stabilité du système bancaire.
Les débats actuels montrent que la méfiance est encore forte, alimentée par des incidents techniques et des inquiétudes légitimes. La BCE devra donc poursuivre ses efforts de transparence, de dialogue et d’innovation pour que l’euro numérique devienne un outil accepté et utilisé par tous les Européens.