
Un groupe de parlementaires français a exprimé, mardi, son souhait de promouvoir Alfred Dreyfus, un capitaine juif de l’armée française injustement condamné pour trahison en 1894, au grade supérieur de général de brigade. Dreyfus avait été accusé d’avoir transmis des informations secrètes à l’attaché militaire allemand et jugé au milieu d’une campagne virulente de presse antisémite.
Une loi pour réparer une injustice historique
Les parlementaires, dirigés par l’ex-premier ministre Gabriel Attal, ont déclaré qu’une telle loi serait un acte de réparation pour Dreyfus, dont la condamnation a eu lieu dans un contexte marqué par l’antisémitisme rampant dans l’armée française et dans la société au tournant du XXe siècle. Selon Attal, cette initiative enverrait également le message que la lutte contre l’antisémitisme reste d’actualité, plus d’un siècle après l’affaire Dreyfus, qui a divisé la société française et donné naissance au célèbre pamphlet « J’accuse » d’Émile Zola, en faveur du capitaine disgracié.
« L’antisémitisme qui a visé Alfred Dreyfus n’est pas dans un passé lointain », a déclaré Attal dans le cadre d’un projet de loi qui sera soumis au parlement. « Les actes de haine d’aujourd’hui nous rappellent que la lutte est toujours en cours. »
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Le scandale Dreyfus : Une condamnation sans preuve
Dreyfus, un capitaine de 36 ans originaire de la région de l’Alsace, a été accusé en octobre 1894 d’avoir transmis des informations secrètes sur du nouveau matériel d’artillerie à l’attaché militaire allemand. L’accusation s’appuyait sur une comparaison d’écriture sur un document trouvé dans la corbeille à papier de l’attaché allemand à Paris. Malgré l’absence de preuves solides, Dreyfus a été jugé coupable de trahison et condamné à la réclusion à perpétuité dans la célèbre colonie pénitentiaire de l’Île du Diable, en Guyane française, avant d’être publiquement dégradé.
Le rôle de Picquart et la réouverture de l’affaire
Cependant, le lieutenant-colonel Georges Picquart, chef des services de renseignement, a réinvestigué l’affaire en secret et découvert que l’écriture sur le message incriminé appartenait à un autre officier, Ferdinand Walsin Esterhazy. Lorsque Picquart a présenté les preuves à l’état-major de l’armée française, il a été évincé de l’armée et emprisonné pendant un an, tandis qu’Esterhazy a été acquitté.
La réhabilitation de Dreyfus : un long chemin vers la justice
En juin 1899, Dreyfus a été ramené en France pour un second procès. Il a d’abord été trouvé coupable et condamné à 10 ans de prison, avant d’être officiellement gracié – bien qu’il n’ait pas été totalement innocenté. Ce n’est qu’en 1906, après de nombreux rebondissements, que la cour d’appel a annulé le verdict initial et exonoré Dreyfus. Il a été réintégré dans l’armée avec le grade de major et a servi pendant la Première Guerre mondiale. Il est décédé en 1935, à l’âge de 76 ans.
Une promotion méritée, mais trop tardive
Gabriel Attal a souligné que sans les années d’exil et son humiliation publique, Dreyfus « serait naturellement parvenu aux plus hauts grades ». Attal a exprimé son souhait de voir Dreyfus promu général de brigade, une mesure qu’il considère comme une réparation de l’injustice historique qu’il a subie.
La lutte contre l’antisémitisme reste d’actualité
La France abrite la plus grande population juive hors Israël et des États-Unis, ainsi que la plus grande communauté musulmane de l’Union européenne. Depuis l’attaque du groupe militant palestinien Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 et la réponse militaire israélienne, les attaques signalées contre les membres de la communauté juive de France ont considérablement augmenté. La proposition de promouvoir Dreyfus vise non seulement à réparer une injustice ancienne, mais aussi à rappeler que la lutte contre l’antisémitisme reste une priorité, aujourd’hui plus que jamais.
Aucune date pour le vote de la proposition
Bien que cette proposition ait déjà attiré l’attention des médias et des défenseurs des droits civiques, aucune date n’a encore été fixée pour le vote sur le projet de loi au parlement français. Toutefois, ce mouvement marque un pas significatif vers la reconnaissance posthume de Dreyfus et de sa lutte pour la justice, un siècle après les événements qui ont secoué la société française.
Cet article a été publié à l’origine sur : france24