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La France vers une société sans cash : un appel du ministre Gérald Darmanin

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, a récemment lancé un appel fort en faveur d’une société sans cash en France, estimant que cette transition pourrait renforcer la lutte contre la criminalité. Cette proposition intervient dans un contexte où le paiement par carte progresse, mais où l’usage du cash reste profondément ancré dans les habitudes des Français. Entre avancées technologiques, enjeux de sécurité et préoccupations sociales, cette idée suscite un vif débat public et institutionnel.

Le contexte actuel des paiements en France

Une forte utilisation du cash malgré la montée des paiements électroniques

Malgré la volonté ministérielle de réduire l’usage des espèces, le cash demeure le moyen de paiement privilégié par la majorité des Français. Selon une enquête réalisée par Brink’s France, 97 % des Français utilisent régulièrement des espèces, et 74 % les emploient pour leurs achats quotidiens, un chiffre en hausse de 7 % depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020. Cette popularité s’explique notamment par le rôle social du cash, perçu comme un outil d’inclusion et de protection des données personnelles1.

Une législation protectrice du cash

Le cadre légal français oblige les commerçants à accepter les paiements en espèces pour toute transaction inférieure à 1 000 euros. Le non-respect de cette règle peut entraîner des sanctions financières. Par ailleurs, la Banque de France et les autorités nationales assurent la disponibilité et l’accessibilité du cash, notamment via des services de dépôt et de retrait en points de vente, garantissant ainsi son acceptabilité universelle1.

Les arguments du ministre Gérald Darmanin

La lutte contre la criminalité comme moteur

Le ministre de la Justice met en avant l’intérêt d’une société sans cash pour lutter contre les trafics, le blanchiment d’argent et d’autres formes de criminalité. En limitant les transactions en espèces, il espère rendre plus difficile le financement des activités illégales et améliorer la traçabilité des flux financiers.

Une transition vers le numérique inévitable ?

Darmanin s’inscrit dans une tendance européenne où plusieurs pays nordiques, comme le Danemark ou la Finlande, ont déjà largement réduit l’usage du cash, avec seulement 8 % des transactions en espèces au Danemark en 2023. La pandémie a accéléré cette évolution, faisant chuter la part des paiements en cash dans la zone euro de 72 % en 2019 à 59 % en 2022.

Les réticences et inquiétudes face à la suppression du cash

Risques d’exclusion sociale

Une large part de la population française s’oppose à l’abandon du cash, en raison des risques d’exclusion sociale. Plus de 70 % des sondés estiment que le cash est essentiel pour éviter la marginalisation des personnes âgées (91 %), des sans-abri et associations caritatives (89 %), ainsi que des populations sans accès fiable à Internet (87 %). Le cash est vu comme un outil de liberté et d’autonomie, notamment pour les plus vulnérables.

Cyber-risques et fraude

Les experts et associations de consommateurs, comme UFC-Que Choisir, alertent sur les risques accrus de fraudes et cyberattaques dans une société entièrement numérique. En 2020, les escroqueries liées aux paiements électroniques ont augmenté d’environ 20 %. Cette vulnérabilité inquiète 87 % des Français qui craignent une hausse des cyberattaques si le cash disparaît.

La stratégie nationale française face au cash et aux paiements numériques

Une politique de coexistence des moyens de paiement

Le gouvernement français, à travers la Stratégie Nationale des Paiements de Détail 2025-2030, prône la neutralité entre les moyens de paiement. L’objectif est d’assurer la coexistence sécurisée et transparente du cash et des paiements électroniques, sans imposer la disparition immédiate des espèces.

Maintien de l’accessibilité et de la confiance dans le cash

La Banque de France s’engage à garantir l’accessibilité du cash à tous, en renforçant les services de proximité et en luttant contre la contrefaçon. Des formations sont également dispensées aux commerçants pour faciliter l’acceptation et la gestion des espèces. Cette politique vise à préserver la confiance du public dans le cash, considéré comme un droit fondamental d’accès au paiement1.

Enjeux européens et perspectives

Une Europe divisée sur l’avenir du cash

Si certains pays nordiques avancent rapidement vers une société sans cash, d’autres, comme la France, restent attachés à la pluralité des moyens de paiement. Cette diversité traduit des différences culturelles, économiques et sociales importantes au sein de l’Union européenne.

L’impact de la pandémie sur les habitudes de paiement

La crise sanitaire a accéléré l’adoption des paiements sans contact et numériques, mais n’a pas éliminé le cash. Cette tendance devrait se poursuivre, avec un équilibre à trouver entre innovation, sécurité et inclusion sociale.

L’appel du ministre Gérald Darmanin à faire de la France une société sans cash relance un débat complexe mêlant sécurité, modernité et justice sociale. Si la lutte contre la criminalité justifie une réflexion sur la réduction des espèces, les enjeux d’exclusion et de confiance dans les moyens de paiement restent majeurs. La France semble pour l’instant privilégier une approche équilibrée, garantissant à la fois l’innovation numérique et la préservation du cash comme outil d’inclusion. Ce débat s’inscrit dans une dynamique européenne plus large, où chaque pays avance à son rythme vers l’avenir des paiements.

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