
Le débat s’intensifie en France autour des Zones à Faibles Émissions (ZFE), équivalentes françaises de l’Ultra Low Emission Zone (ULEZ) britannique. Ces zones, instaurées pour réduire la pollution de l’air dans les grandes villes, sont aujourd’hui dans le viseur de nombreux parlementaires qui les jugent « punitives » et « antisociales ».
Un projet de loi visant à simplifier les réglementations environnementales sera prochainement débattu à l’Assemblée nationale, avec comme mesure phare une proposition de suppression ou d’assouplissement du dispositif ZFE.
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Des mesures critiquées comme socialement injustes
Les ZFE imposent des restrictions aux véhicules les plus polluants dans plusieurs grandes villes comme Paris, Lyon, Grenoble ou encore Montpellier. Depuis le 1er janvier, les voitures diesel immatriculées avant 2011 et les véhicules essence d’avant 2006 sont bannis de ces zones, à moins de disposer d’une vignette Crit’Air prouvant leur conformité. Les contrevenants s’exposent à une amende pouvant aller jusqu’à 135 euros.
Cependant, plusieurs députés – notamment du Rassemblement National, des Républicains, de quelques indépendants et même de la majorité présidentielle Renaissance – ont proposé une suppression totale des ZFE. La gauche, quant à elle, s’est abstenue, ce qui montre l’ampleur du soutien à cette réforme.
Les critiques dénoncent une mesure qui frappe surtout les plus modestes, contraints à utiliser des véhicules anciens qu’ils ne peuvent se permettre de remplacer. « Ce sont les plus pauvres, ceux qui vivent loin et n’ont pas les moyens, qui sont les victimes », a déclaré le Premier ministre François Bayrou en février.
Des manifestations et une opposition grandissante
La contestation populaire s’amplifie. Le week-end dernier, des manifestations ont eu lieu à Paris, Toulouse et dans d’autres villes pour dénoncer les ZFE. Jordan Bardella, président du Rassemblement National, les a qualifiées de « mesures environnementales punitives et antisociales ». Laurent Wauquiez, chef du parti Les Républicains à l’Assemblée, estime qu’elles provoquent une « colère sociale, une fracture territoriale et un suicide économique ».
Un enjeu politique et financier pour l’État
Le gouvernement, conscient des risques politiques et budgétaires, tente de trouver un compromis. Une modification de la loi pourrait limiter l’obligation d’appliquer les ZFE aux seules villes de Paris et Lyon, où la pollution dépasse deux fois les recommandations de l’OMS. Dans les autres agglomérations, la décision serait laissée aux maires.
Un abandon complet du dispositif mettrait aussi en péril les financements européens. La France doit recevoir 40,3 milliards d’euros, dont 3,3 milliards pour les seules ZFE cette année. Une suppression totale impliquerait de rembourser une partie de ces aides.
Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, rappelle l’objectif de santé publique : « La pollution touche les plus vulnérables, notamment ceux qui vivent près des routes, souvent en logements sociaux. Chacun a le droit de circuler, mais aussi de respirer. »
Une efficacité pourtant prouvée
Malgré les critiques, les experts défendent l’efficacité des ZFE. Christopher Griffiths, professeur à l’université Queen Mary de Londres, affirme que le dispositif ULEZ a permis une amélioration spectaculaire de la qualité de l’air à Londres, bien au-delà des prévisions.
Il insiste : « Les zones à faibles émissions sont l’un des rares outils de santé publique qui ont prouvé leur efficacité. »
Un avenir incertain
Le sort des ZFE dépendra de la mobilisation parlementaire dans un contexte politique fragmenté. Une suppression totale reste peu probable, mais un allègement significatif semble envisageable. En parallèle, une autre proposition portée par 35 députés demande un moratoire de cinq ans sur le dispositif.
Dans tous les cas, le débat reflète les tensions croissantes entre objectifs écologiques et justice sociale, dans une France où les préoccupations environnementales doivent désormais composer avec les réalités économiques des citoyens.
Cet article a été initialement publié sur: telegraph